LII : quelles coopérations pour quelles politiques publiques ?

Suite à leur quatrième Forum national en décembre 2022 à Tours, les Lieux intermédiaires et Indépendants (LII) se sont dotés d’une feuille de route portée par leur coordination, la CNLII. Elle vise à affronter à la catastrophe écologique en cours, faire place à la culture dans le moment tiers-lieux et à contribuer à une mutation de nos imaginaires. Mais avec qui, dans quelles alliances et autour de quelles politiques publiques ?

C’était l’objet de l’atelier du mardi 14 mai à POP MIND, animé par Fanette BONNET, coordinatrice d’Actes If, réseau solidaire de lieux intermédiaires et indépendants culturels et artistiques en IDF et qui voyait intervenir Juliette BOMPOINT, référente culture de l’Association Nationale des Tiers-Lieux, Emmanuel TÊTEDOIE, ancien Directeur des Affaires Culturelles de Lorient, et Fred ORTUÑO pour Artfactories/autresparts, avec la participation de réseaux régionaux tels qu’Hybrides pour la Bretagne, L.I.E.N. pour la Normandie et Aliice pour le Centre-Val-de-Marne.

Animation
  • Fanette BONNET, Coordinatrice d’Actes If, réseau solidaire de lieux intermédiaires et indépendants culturels et artistiques en IDF
Intervenant·es

Introduction autour de la Coordination Nationale des Lieux des Lieux Intermédiaires et Indépendants (CNLII)

Fred Ortuño a initié la présentation de la Coordination Nationale des Lieux des Lieux Intermédiaires et Indépendants (CNLII) par une question aux participant·es : « À quel moment avez-vous pris connaissance de l’existence de la Coordination ? » avant de rappeler que celle-ci a été créée en 2014 au forum de Mantes-la-Jolie et s’est dotée d’une charte un an plus tard. Elle a tenu plusieurs forums : à Lyon en 2016 (« Ce que les lieux intermédiaires et indépendant ont en commun »), à Rennes aux Ateliers du Vent en 2019 (« Comment faire commun(s) »), et au 37e Parallèle à Tours en 2022 (« Imaginaires mutant. L’art et la culture dans le moment Tiers-Lieux »).

La CNLII est une coordination informelle, créée par des lieux et des réseaux pour un dialogue national et interrégional, qui fonctionne sans moyens. Elle compte aujourd’hui, plus de 300 lieux auto référencés et ses forums attirent de 200 à 300 participant.es.

« La coordination, explique Fred Ortuño, a vécu plusieurs moments clefs liés à l’évolution des politiques publiques». En 2019, elle a acté son attachement à la fonction des communs comme paradigme. En 2022, trois thématiques fortes ont marqué le forum :

  • La nécessité d’une bifurcation écologique/ d’une transformation sociale/ de la mutation des imaginaires ;
  • Les modalités de coopération entre lieux et questionnement sur les tiers lieux avec ancrage sur le développement économique ;
  • La montée en puissance du phénomène de métropolisation.

Parmi les jalons de son existence, il y a le travail sur une grille d’évaluation des lieux intermédiaires. « C’est une organisation multiformes, multiéchelles et qui s’active », conclut-il.

Mais les intervenant·es n’ont pas cherché à mettre les difficultés présentes sous le tapis. Entre le moment où la France a vu apparaître des lieux intermédiaires et indépendants, voici déjà une bonne quarantaine d’années, et le moment présent, beaucoup d’eau a coulé sur les ponts. Et la multiplication des tiers-lieux à vocation diverses a créé de la confusion auprès des politiques – souvent plus enclins à soutenir des fabriques axées sur l’économie et l’innovation que de l’expérimentation artistique et sociale – et invisibilisé des initiatives pourtant souvent pionnières.

C’est le constat dressé par Juliette Bompoint, qui retient, de la feuille de route, la circonspection : « Qu’a-t-on fait depuis la création de la CNLII, et au-delà, depuis quarante ans ? On en est toujours à expliquer ce qu’est un lieu intermédiaire et indépendant. Nous n’avons pas réussi à obtenir une ligne budgétaire dédiée aux lieux intermédiaires et indépendants du ministère de la Culture. Je crois qu’on n’en voulait pas, parce que nous sommes trop divers et trop différents : on n’aurait pas su mettre en œuvre une et une seule politique publique. »

La priorité, selon elle, est la visibilité des LII, et la revendication de leurs valeurs communes : « Il faut qu’on sache dire aux ministères de la Culture et de la Cohésion du territoire qui nous sommes. Ce qui nous relie et nous différencie des tiers-lieux dans leur ensemble, c’est l’engagement pour l’action par l’art et la culture, la participation des artistes et des acteurs culturels à la gouvernance de nos lieux, le combat pour les libertés artistiques et la condition sociale des artistes. C’est dans notre feuille de route élaborée au Forum de Tours, à un moment où l’on craignait d’être absorbés par France Tiers-Lieux1 . Dans le GIP, on a finalement porté un sujet culture et formé un groupe de travail. Ce qui nous a obligé à élaborer une feuille de route pour la Coordination des Lieux Intermédiaires et Indépendants, afin que ce soit elle qui donne le ton à France Tiers-Lieux et non l’inverse. »

À la question : « Comment peut-on trouver de la solidarité et de la coopération ? » elle répond par l’urgence de mieux identifier les ressources présentes dans les lieux. Elle suggère enfin l’organisation d’un nouveau forum en Ile-de-France.

Le casse-tête de l’hybridité

Si les LII revendiquent leur dimension artistique et culturelle, ils soulignent aussi leur hybridité. Un participant souligne à cet égard « l’étanchéité des services de la puissance publique » face à des lieux hybrides : « Les LII à leurs débuts étaient d’abord des lieux artistiques, axés sur la création. Aujourd’hui, il s’y invente autre chose ; ce sont des lieux où s’exercent les droits culturels mais aussi de nombreux autres droits. Il s’y crée aussi une autre relation aux personnes, à l’altérité, dépassant le rapport créateurs/publics : des personnes d’horizon différents y participent à la vie culturelle et exercent une citoyenneté. C’est une dimension à mieux défendre. »

Interpellé, Emmanuel Têtedoie s’interroge et esquisse des pistes de fonctionnement pour les collectivités : « Comment travailler sur une relation de complémentarité, quand la politique est quand la politique publique est descendante, comme en France, avec un État qui finance peu mais impose ses critères ? Les DAC sont les premiers interlocuteurs des LII. Mais la relation est déséquilibrée : la collectivité dispose de moyens. En revanche les acteurs peuvent proposer une autre lecture du territoire. Les projets les plus atypiques sont souvent les plus fragiles, mais aussi les plus riches en invention. La capacité d’inventer de nouvelles formes devrait être le tout premier critère des aides publiques. Que fabrique-t-on dans les “lieux de fabrique”, et comment les politiques publiques peuvent-être être à l’écoute de ce qui se fabrique ?

Les LII qui sont d’abord financés, directement et indirectement, par les territoires, nous obligent à jongler entre différents pans de politiques publiques. Selon les habitudes des services interlocuteurs, les acteur·ices font face à différents dispositifs : appel à projets ou processus de coconstruction. Quand on donne les clefs aux acteurs, qu’on travaille avec eux et pas face à eux, ils voient comment “se promener” à l’intérieur des dispositifs. Mais cela demande une vraie expertise sur le juridique y compris pour nous : le travail avec une SCOP ou une association est très différent par exemple. Ce n’est pas nous qui devons donner les règles : nous devons les définir avec vous, parce qu’on ne sait pas forcément faire. Et l’une des difficultés vient aussi de la part du politique : comment on travaille avec des élu·es qui changent tous les six ans et perçoivent d’abord l’intérêt d’un lieu vis-à-vis du territoire ? Est-ce que je permets l’émergence via un appel à projets, ou est-ce que je reconnais ce qui est déjà sur le territoire ? Si on n’y réfléchit pas ensemble cela donne souvent des ratés. Et on tourne encore un peu en rond sur cette question de la coopération. »

Si à cet égard, les politiques publiques de soutien aux tiers-lieux travaillent cette dimension d’interconnaissance, leur expérience est différente de celle des lieux intermédiaires qui ont pourtant beaucoup à transmettre. Une participante signale qu’il a fallu quatre ou cinq ans à son équipe pour mettre plusieurs services d’une collectivité autour de la table et s’interroge sur la marge de manœuvre des collectivités.

« La marge doit se fabriquer par la transversalité. Cela commence à l’intérieur des collectivités, mais cela doit aussi exister entre collectivités, entre un département, une agglomération et une ville, répond Emmanuel Têtedoie. Sinon, on retombe dans les silos. Mais le risque est aussi d’émietter les soutiens, à travers une multitude de petits financements pour lesquels il faut montrer patte blanche. Sortir des silos est difficile, alors il faut acter la coopération inter-silos, pouvoir à la fois répondre en tant que guichet et travailler sur du fond. »

Des leviers ailleurs que dans la culture

« Notre force, c’est de déplacer le regard, et l’une des bonnes façons de traiter les lieux intermédiaires passe par l’interministériel, estime Juliette Bompoint. S’il n’y a pas d’idées et d’argent, aidez-nous à faire levier auprès d’autres politiques : le développement économique, l’urbanisme, le foncier ! Le sujet foncier est déterminant. C’est pour cela qu’on a créé La Main, société foncière coopérative qui a pour objet de créer un outil foncier dédié au culturel et à l’artistique. Parce qu’à force de considérer que la propriété, c’est le vol, on a fini pour tous se faire expulser ! Donc il y a intérêt à construire des communs culturels qui appartiennent à tous·tes, dans chaque ville : un espace de liberté, dans lequel on peut se concentrer durablement plutôt que de chercher à payer un loyer. Il y a aussi d’autres sujets : la transition écologique, le numérique, la formation… Régulièrement, on a agi avec nos imaginaires avec différentes politiques publiques qui nous ont souvent davantage aidé à vivre que le ministère de la Culture. »

L’appel à élargir les coopérations, thématiques et sources de soutien suscite le débat. « Nous sommes confrontés à l’acculturation des autres services que la culture, estime un participant. Les « OCNIS (Objets Culturels Non Identifiés) » comme les lieux intermédiaires et indépendants, qui existent depuis vingt ans ne sont toujours pas reconnus, alors qu’en cinq ans tous·tes les élu·es savent ce qu’est un tiers-lieu ! Nos interlocuteurs n’ont pas souvent l’agilité nécessaire face aux acteurs un peu bizzaroïdes que nous sommes. Peut-être faut-il revendiquer d’être dans l’imaginaire et non dans l’innovation. Dans ce rapport, on ne se comprend pas. Par exemple, les associations peuvent se positionner sur les marchés publics relevant de l’Économie sociale et solidaire, mais qui le sait et comment sommes-nous accompagnés ? Nous l’avons fait et nous nous sommes rendu compte que cela demandait de faire changer d’avis à “l’acheteur” : quand on lui indique qu’il existe d’autres voies que la mise en concurrence, comme les marchés adaptés2 , cela peut fonctionner. Mais il manque un accompagnement, de notre côté comme de celui des commanditaires. »

S’adapter aux cases, adapter les cadres

Plusieurs participant·es défendent la nécessité de se rapprocher des réseaux de l’ESS, à l’instar d’une représentante de La Fabrique Pola à Bordeaux : « En Nouvelle Aquitaine, nous avons la chance d’avoir une politique publique de l’ESS portée par la Région et le département. Et c’est via les enjeux de structuration, en agissant sur les précarités et les conditions de travail des artistes, que nous avons obtenu la reconnaissance de notre projet. Bon nombre de projets aquitains sont passés par ces instances ; on a acquis cette culture et on est capable d’aller plus loin dans ces projets de coopération et de mettre tout le monde autour de la table. Mais au départ, on a mis 15 ans à faire un COPIL, en réussissant pour chaque collectivité les services culturels, de l’insertion et de l’ESS ! C’est parce que nous étions en résistance, en se considérant d’abord comme des acteurs artistiques et culturels. Il reste une incompréhension sur ce qu’est l’ESS du côté des élus et techniciens de la culture : ce sont des techniciens de l’ESS qui traduisent nos actions en termes d’innovation sociale, ce qui n’est pas un gros mot. La transversalité est donc cruciale : si nous, acteurs devons apprendre à tout faire, les collectivités doivent s’engager dans la même démarche. »

L’effort nécessaire aux associations pour s’adapter au langage des marchés publics ne fait pas l’unanimité. « Cela nous fait entrer en concurrence avec des acteurs privés lucratifs qui seront toujours plus rapides que les associatifs ayant besoin de temps de dialogue démocratique, estime une représentante du Collectif des associations citoyennes (CAC). Peut-être n’est-ce pas le bon cadre pour renouveler les imaginaires ! Notre bataille est aussi de défendre le principe de la subvention et de le retravailler avec les collectivités territoriales. C’est la logique européenne qui nous a fait entrer dans le cadre extrêmement contraint de l’appel d’offres, qui va à l’inverse de l’imaginaire et l’invention. »

Se familiariser avec les terrains juridique et économique est essentiel, pour Emmanuel Têtedoie, y compris du côté des collectivités : « Les derniers projets sur lesquels j’ai travaillé s’étaient d’abord forgés sur le terrain de l’ESS, pour montrer à quel point ils étaient rentables – pas forcément financièrement mais pour leur importance sociale – et c’étaient des projets culturels. En revanche, les faire accepter par des élu·es à la culture était très difficile : elles·eux estimaient qu’un projet issu de l’ESS devait être à l’équilibre financier, s’interrogeaient sur le bien-fondé de la subvention, et pensaient que la collectivité devait avoir un pouvoir si elle apportait le foncier ! C’est une vraie difficulté dont on n’a pas l’habitude dans le milieu culturel régi par la subvention, le label et le cahier des charges. Quand on se voit présenter des projets hybrides, on ne sait pas faire, contrairement à nos collègues de l’ESS ! ».

Des politiques régionales spécifiques

Plusieurs participant·es issus de réseaux régionaux font part de leur expérience. Ainsi, une représentante d’Aliice, jeune réseau de lieux intermédiaires du Centre-Val de Loire, signale que la CRESS régionale a tenu à répartir ses subventions entre différents réseaux et a fait la distinction entre « lieux intermédiaires » et « tiers lieux » : « On a pu mettre autour de la table la CRESS, la Région, les départements, la préfecture et la réunion a abouti à une convention et à la création d’une politique régionale sur les lieux intermédiaires avec un dispositif de financement de trois ans. On a eu la chance d’avoir une Région à l’écoute, soucieuse de dissocier entre un dispositif tiers lieux et un dispositif lieux intermédiaires. » souligne -t-elle.

Son intervention lance justement la question des relations entre tiers lieux et intermédiaires. France Tiers lieux a réussi à créer des réseaux dans toutes les régions, ce qui était l’objectif de la CNLII.

La représentante de Bretagne Tiers-Lieux, opérateur régional du programme “Accompagner les tiers-lieux” déployé par France Tiers-Lieux précise que son réseau coopère avec de nombreux réseaux voisins : « Très vite, le collectif Hybrides, qui représente les LII, a pris le rôle de représenter les Tiers-lieux qui font de la culture en Bretagne, auprès d’instances d’abord culturelles, mais aussi au sein du groupe de travail culture de l’ANTL (Association nationale des tiers lieux). Nos représentants régionaux font partie d’Hybrides. On est tous dans le même bateau et on veut aller vers les mêmes objectifs. Comme en Val de Loire, la CRESS était très présente au moment de la création de Bretagne Tiers-Lieux et nous entretenons des liens étroits avec l’écosystème de l’ESS : ses pôles qui apportent aux lieux des ressources juridiques. À propos des marchés publics, un appel est sorti récemment sur l’accompagnement : nous mettons tous les lieux dans la boucle, avec l’idée, par exemple, qu’un LII pourrait accompagner un tiers-lieu sur son activité culture. »

Juliette Bompoint met les points sur les « i » sur la place des LII et de la culture au sein des Tiers-lieux : « Sur 3500 tiers lieux recensés par France Tiers Lieux, un bon tiers (31%) se revendique tiers-lieu culturel. Ce constat nous montre que nous ne sommes pas assez influents dans France Tiers lieux. On ne peut pas être plus d’un millier et ne pas influer sur les politiques publiques ! Les programmes “Fabriques de territoire” ou “Manufactures de proximité” représentent environ 15 millions d’euros annuels. Il serait légitime que l’on obtienne 31% de ces fonds. Mais nous n’y avons pas eu accès, au prétexte qu’« on n’est pas des tiers-lieux » ! Avec Actes-If, on a décidé de répondre à l’appel Fabriques de territoire, parce que c’est ce que nous sommes. Souvent, les LII estiment que le langage économique qui caractérise ces appels à projets ne nous est pas adapté et nous en bénéficions à peine à 5%. Mais comment changer ce langage sans faire partie du programme et influer ? Donc, nous animons un groupe de travail Culture au sein de France-Tiers-Lieux. Dans les programmes qui vont sortir sur les Fabriques de territoires, il sera mentionné les manufactures d’art et de culture. Et il faudra être nombreux pour revendiquer que cette politique soit déployée. Tous les moyens de France Tiers-Lieux dans les différentes régions doivent être redistribués à 31 % pour les LII. En Centre Val de Loire, c’est ce qui s’est passé. Cela correspond à un emploi temps plein dédié à la culture. »

Fred Ortuño appuie ce constat : « À l’exception de certaines régions, les LII n’ont pas su s’organiser collectivement pour bénéficier du marché d’accompagnement des Tiers-lieux, alors qu’ils en représentent plus de 30%. La feuille de route de POP MIND est intitulée « Agir en commun face à l’urgence », alors comment on s’organise autour d’objets concrets sur lesquels on est capable d’aller vite et dans le même sens collectivement ? »

La question amène un constat des faiblesses de la CNLII, et notamment sa difficulté à trouver des moyens humains : « L’enjeu, pour les lieux, c’est le manque de temps à déployer dans des réseaux, note la représentante d’Aliice. Venir à POP MIND, par exemple, cela demande du temps et de l’énergie. Les lieux sont trop occupés à gérer leur propre survie pour participer aux différentes échelles. ».

Ce temps de la coopération, il faut absolument le dégager, affirme Juliette Bompoint : « Se donner le temps, c’est s’enrichir. La seule chose à faire quand on est sous l’eau, c’est sortir la tête de l’eau, voir, coopérer, être avec les autres pour trouver de la force en revenant vers son lieu. On a expérimenté l’appel à Fabriques de territoire : on a écrit un projet en commun à quatre, et décidé de partager l’argent pour s’offrir du temps de cerveau disponible. On a pris 10 000 euros chacun pour se voir toutes les semaines à quatre. Les 10 000 euros restant ont été mis dans un pot commun pour créer une résidence, faire de la formation, et le temps dégagé nous a permis trouver d’autres moyens. Se donner du temps, c’est la base ; on ne s’en sort jamais tout seuls ! ».

Cette difficulté à s’organiser et à coopérer, comme le manque de moyens, sont soulignés à la fin du débat. Les participant·es estiment manquer d’outils, trouvent difficile de faire émerger des réseaux régionaux de LII sans salarié·es, et de fabriquer des outils concrets de coopération et d’entraide : « On voit bien la difficulté du pragmatique, souligne un représentant du Bazarnaom, lieu d’expérimentation sociale, culturelle et politique situé à Caen. Il y a la foncière La Main, la Coordination nationale, mais à qui parle-t-on pour construire collectivement des récits alternatifs et des outils ? Tant qu’on restera sur la posture « moi je ne suis pas ça », on n’y arrivera pas : il va falloir accepter de gommer des singularités pour présenter ces récits. Et cessons de prétendre qu’on est indépendants : on est forcément dépendant des autres, donc travaillons notre multitude de dépendances. La CNLII est dépendante des travaux de La Main, de l’UFISC, agissons à partir de cela. Même si notre capacité à multiplier les réseaux est toujours compliquée, je ne pense pas que la seule CNLII puisse prendre tout en charge. »

Cette table ronde se poursuivait avec un atelier sur l’observation des LII, annoncé par Fanette Bonnet qui conclut sur une note d’utopie : « J’essaie de défendre le vide dans les politiques culturelles publiques, même s’il est difficile de dire aux élus locaux : il faut laisser des espaces vides pour inventer des choses ensemble ! Avoir des espaces ou des temps ou on n’a rien prévu et où on ne veut rien prévoir : c’est angoissant mais aussi très joyeux avec du temps et un peu d’argent. Les LII nous permettent de nous interroger là-dessus. »

« J’ai vu un lieu « Vacances illimités » ! Ce peut être une feuille de route, répond Juliette Bompoint. Et par ailleurs, il y a 36 000 communes ; demandons 36 000 communs, même si c’est un arbre ou un terrain ! » « Il faut les prendre ! » conclut un participant.

  1. France Tiers-Lieux est un groupement d’intérêt public (GIP) créé en 2022, regroupant les ministères de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, du Travail, de l’Enseignement supérieur et Recherche de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique de la France ainsi que l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et l’Association Nationale des Tiers-Lieux. En savoir plus : https://francetierslieux.fr/france-tiers-lieux/ ↩︎
  2. Marchés aux petits montants bénéficiant de procédures allégées de publicité et de contractualisation ↩︎

Cette synthèse a été rédigée par Valérie de Saint-Do pour l’UFISC.


Ressources

Feuille de route 2023-2030 de la CNLIIAdoptée lors du 4e Forum National des Lieux Intermédiaires et Indépendants, qui s’est tenu en décembre 2022 au 37e Parallèle à Tours.
Charte de la Coordination nationale des lieux intermédiaires et indépendants
L’irréductible originalité collective des lieux intermédiaires et indépendantsArticle de Philippe Henry, Chercheur en socio-économie de la culture pour l’OPC, Observatoire des Politiques Culturelles, 2023
Les lieux culturels intermédiaires : une identité́ collective spécifique ?Une étude comparative des sites Internet des signataires de la charte de la Coordination nationale des lieux intermédiaires et indépendants, de Philippe Henry, Chercheur en socio-économie de la culture, 2022.
Lieux intermédiaires et indépendants, lieux de démocratie et de cultureSynthèse du forum organisé par POL’n lors des Biennales internationales du spectacle (BIS) à Nantes en 2020.
Le Bazarnaom (Caen), un lieu d’expérimentation sociale, culturelle & politiqueAnalyse d’un lieu artistique hybride normand, le Bazarnaom, à travers l’évolution de sa gouvernance collective pendant 25 ans, par Laura Aufrère pour Opale CRDLA-Culture
Les ressources de La Main, Foncièrement culturelle Guide du foncier culturel, présentation de la coopérative et actes de la Rencontre Nationale du Foncier Culturel

L'édition 2024

Culture et solidarité : l'urgence d'agir en commun !

Pour la 6ème édition de POP MIND, l’UFISC et le CRID se sont associés pour une édition exceptionnelle « POP MIND x Festisol », accueillie à l’ANTIPODE (Rennes).

« L’urgence d’agir en commun » a été le fil rouge des 44 temps forts (plénières, conférences, tables rondes, ateliers, cercles d’échanges…) qui ont réuni plus de 400 participant·es à l’Antipode (Rennes), pour une édition placée sous la thématique du « faire », de la mise en mouvement, de la capacité d’agir à différents endroits, du local au global.

Cet événement d’une envergure exceptionnelle a constitué la concrétisation d’un long processus collectif, qui a réunit une cinquantaine de partenaires locaux et nationaux, issus du champ des arts et de la culture, de l’éducation populaire, du social, de l’agriculture, de l’économie solidaire, de la solidarité internationale…, motivés par l’envie de « faire ensemble » et de construire des territoires communs.