Plénière conclusive : quel projet à défendre pour demain ?

Après deux jours de débats, quelle feuille de route nous donnons-nous collectivement pour défendre et mettre en œuvre les droits humains au niveau local, national et européen ? Quelles propositions et responsabilités en matière culturelle ? Comment les acteur·rice·s, les réseaux, les collectivités et les candidat·es au Parlement européen peuvent-ils répondre aux enjeux et défis que nous avons soulevés ?

Trois chantiers de travail pour demain se sont démarqués lors des échanges. D’abord, celui des politiques publiques et du projet de société qu’elles revendiquent. Ensuite, celui du travail dans une perspective d’élargissement démocratique. Comment faire de la structuration professionnelle et de l’organisation collective un terrain de lutte et de mobilisation pour les droits humains ? Des formes d’organisation plus horizontales, basées sur des principes de multitudes et d’autonomisation des personnes, permettent de remporter des combats. Enfin, l’ESS doit rester un objectif prioritaire et pousse à décloisonner les champs d’activité et à favoriser les outils de coconstruction et de coopération territoriale.

Comment repositionner la formation politique par l’éducation populaire ?

La vingtaine de tables rondes, de plénières et de palabres ont donné lieu à de nombreux échanges, analyses et témoignages intéressants dont il nous faut prendre compte ensemble pour dresser des perspectives de travail. Les droits humains sont une zone à défendre parce qu’ils sont de plus en plus bafoués et oubliés dans les pays européens. Pourtant, ces droits, qui recouvrent les droits culturels, sont essentiels à toute vie sociale. Le philosophe belge Luc Carton a bien montré l’importance de remettre l’éducation populaire en activité et le social dans le travail en ligne de mire pour faire émerger une vraie démocratie culturelle et citoyenne (lire la synthèse de la plénière d’ouverture).

C’est à nous, acteur·rices artistiques et culturel·les, de prôner l’échange, le dialogue, la réflexion et les interrogations dans les espaces publics matériels et immatériels. Cet enjeu va de pair avec l’équité territoriale et sociale, qui vise à éviter les « zones blanches » rurales et périurbaines en portant la bonne parole artistique pour créer du lien en ignorant personne. Face au néolibéralisme qui aspire à faire de la culture un bien de consommation, il est essentiel de revendiquer nos démarches et projets citoyens issus de l’ESS, d’autant plus que le secteur associatif englobe 95% des entreprises culturelles françaises. De grands chantiers sur l’ESS et sur les droits culturels sont à réaliser pour repenser nos modes de gouvernance et nos relations de travail.

Déterminer des indicateurs d’évaluation qualitatifs et promouvoir la coconstruction de l’évaluation avec les pouvoirs publics

Tous les chantiers précités impliquent la réappropriation de l’évaluation de nos actions pour en faire un outil de lutte soumis à une délibération collective et démocratique. Les indicateurs utilisés, et imposés, par l’évaluation de nos actions sont inadéquats. Ces critères doivent être revus auprès des institutions. L’approche de Florence Jany Catrice, selon laquelle la meilleure évaluation est l’autoévaluation partagée – ou plutôt la co-évaluation – semble davantage pertinente (lire la synthèse de la plénière d’ouverture). L’évaluation est un vrai enjeu démocratique qui doit résulter d’un dialogue entre partenaires. Il faut s’en saisir pour redéfinir nos valeurs et nos indicateurs de richesse, en mettant un terme au règne du quantifiable.

Une élévation politique pour rendre visible les luttes et les essaimer dans les territoires

Le secteur associatif artistique et culturel est soumis à un rapport de force qui lui est défavorable. Les temps comme POP MIND donne de la visibilité à ses acteurs et leur permet de construire un discours clair et audible. Dans nos organisations, il est possible de refaire de la formation politique à travers des initiatives d’éducation populaire.

Questionnement sur le rôle de la formation et de la sensibilisation aux droits culturels

Des manques sont à notifié dans la formation, notamment celle des personnes qui occupent des postes de direction. Les grandes écoles et universités dont sortent les cadres du champ culturel et artistique sensibilisent peu leurs étudiant·es aux droits culturels et prônent un modèle de pensée liée aux valeurs néolibérales dominantes.

Retravailler le vocabulaire utilisé

Le langage est un instrument de lutte et de résistance. Réinventer les outils d’évaluation et promouvoir oblige à transformer notre vocabulaire. Il faut utiliser les mots autrement pour biaiser le jeu des institutions. En fonction de la façon dont on se représente le monde et dont le monde est représenté, les réalités diffèrent. Nous doter d’outils verbaux nous permettra de mettre en lumière les valeurs et objectifs de nos projets. Un travail collectif dessus est à mener.

Rendre l’information accessible au plus grand nombre par la mise en place d’un média permanent

Au cours de ces deux journées, huit radios normandes ont parcouru tous les ateliers de Popmind pour créer des contenues et diffuser des directs. Rendre ces interventions, parfois assez techniques, accessibles à un public plus large en les vulgarisant est nécessaire pour la défense des droits humains. Popmind pourrait ainsi être un média permanent pour répondre au besoin de la formation permanente.

Faire le lien avec d’autres domaines et s’inspirer des solutions qu’ils mettent en œuvre

Les revendications des différents secteurs de l’ESS se rejoignent pleinement. C’est par le nombre que nous sortirons de l’indivisibilité. Ainsi, l’idée d’ouvrir l’UFISC à d’autres associations pour les fédérer ou d’élargir le conseil d’administration a émergé. Pour s’affirmer face au capitalisme financier, seul le collectif fonctionne. Se retrouver dans des initiatives citoyennes et artistiques, les croiser, les décloisonner et les mettre en action est plus que nécessaire. Pour Jean-Louis Laville, nous ne sommes plus dans une société productiviste mais dans une société de col blanc de services. Cette troisième vague du capitalisme, à figure sociale, aspire à privatiser tout ce qui peut être lucratif, dont le champ culturel qui ne doit pas être rentable.

Ne pas oublier que nous sommes des forces instituantes

De nombreuses expérimentations dans les territoires ont montré comment se réapproprier et mettre en travail les droits culturels, construction intellectuelle pouvant paraître abstraite. Les territoires sont des espaces d’expérimentation et d’imaginaire fondamentaux pour repenser nos pratiques et les mettre en lien avec les droits fondamentaux. C’est dans ces espaces que nous devenons des forces instituantes qui avancent ensemble dans une logique de démarche du progrès.

Ressources

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L'édition 2019

Les droits humains fondamentaux : une zone à défendre !

L’édition 2019, accueillie au 106 à Rouen, était placée sous la thématique des droits fondamentaux comme nouvelle ZAD à défendre et à investir.

Initialement impulsé par la FEDELIMA, POP MIND est porté depuis cette édition 2019 par l’UFISC et ses membres.

Pour cette 4ème édition, POP MIND était coorganisé avec le Collectif des Associations Citoyennes (CAC) et l’association Opale, et co-construit avec une grande diversité de partenaires, ainsi que de nombreux partenaires dans le champ de la culture et au delà, parmi lesquels on peut citer : le Mouvement pour l’Economie Solidaire (MES), Biens Communs, le CRID, l’Alliance internationale des éditeurs indépendants (AIEI), le réseau Rman, le RIPESS Europe, la PFI… et bien d’autres !