Procédures-bâillons et intimidations, concentration avec mainmise de milliardaires sans garde-fous sur de nombreux médias, liens de dépendance… La liberté d’informer est attaquée de toute part. Ainsi lorsque les États généraux de l’information ont été lancés par le Gouvernement à l’automne 2023, plus de 100 médias indépendants ont réagi pour réaffirmer la nécessité de stopper les offensives multiples lancées par les puissances politiques et économiques contre un journalisme indépendant, d’intérêt public et au service des citoyen·nes. La société doit s’emparer de ce débat sur l’information tant sont en jeu la qualité de notre débat public et la vitalité de notre démocratie.
Animation
- Jean-Baptiste JOBARD, Coordinateur de l’Observatoire des Libertés Associatives, Délégué général du Collectif des Associations Citoyennes (CAC)
Intervenant·es
- Agnès ROUSSEAUX, Directrice et Journaliste à Politis
- Julie LALLOUËT-GEFFROY, Journaliste à Splann !
- Xavier MILLINER, Coordinateur de CORLAB, coordination des radios locales et associatives de Bretagne
A écouter également depuis vos plateformes de podcasts préférées ! Tous les liens ici : https://smartlink.ausha.co/pop-mind/defendre-la-liberte-d-information-la-bataille-des-medias-independants
Compte-rendu de la table ronde
Ce compte est proposé par la Férue, Fédération des Arts de la rue en Ile-de-France.
Constat :
- Mauvaise situation de la presse indépendante (comme de l’édition indé d’ailleurs)
- Mainmise de grands groupes qui rachètent la presse
Agnès Rousseaux, Politis rédac cheffe :
- Enjeu à présenter la situation du secteur médiatique en France, les gens ne connaissent pas le détail du problème
- Problème de concentration entre les mains de peu de personnes, une dizaine de personnes ont fait main basse sur les médias (91% de la presse quotidienne générale aux mains d’une douzaine de personnes / 44% des TV aux mains de 3 groupes industriels) (entreprises d’armes, du luxe, du btp…) → problème de pluralisme de l’info et probléma- tique d’indépendance (quid du journalisme d’enquête ? censure et auto censure)
- 57% des français·es pensent qu’il faut se méfier de ce que disent les grands médias sur l’actualité → problème démocratique
- Bolloré par la violence de son raid sur les médias a visibilisé le problème auprès du grand public / il a assez d’espace médiatique pour occuper avec un sujet bricolé de toutes pièces / Bolloré n’est pas une exception mais c’est le plus visible, ce n’est pas nouveau
- Même razzia dans l’édition, au point que les autorités de concurrence ont dû interdire : l’opération aurait concentré 63% des dictionnaires et 54% des livres de poche
- Ne pas oublier le contrôle des régies publicitaires qui permet d’étrangler les médias en refusant de placer les pubs dans les médias qu’ils veulent punir
- Problème d’extrême droitisation des médias : ex. de CNews qui devient un média d’extrême droite alors que c’est une fréquence de la TNT qui est un bien public et qui est liée à un cahier des charges qui oblige au pluralisme → détriment au bien commun
- Problème d’abrutissement : temps de cerveau disponible, polarisation, clivage, jamais d’analyse causale, polémiques créant la sidération, etc. / gros problème aussi de capture d’une idée de légitimité populaire
- Aux USA, études sur Fox News qui montrent un impact réel sur le vote à droite : l’ar- rivée de Fox News crée du vote de droite !
- Faible réaction de l’Arcom etc.
- Procédures-bâillons laissées en tour libre par l’état qui ne réglemente pas / jour- nalistes criminalisé·es, arrêté·es au même titre que des militant·es malgré leur carte de presse / enquêtes et abus du secret défense
- Titre le plus aidé sur les aides à la presse = le Parisien alors qu’il appartient à Bernard Arnault
Julie de Splann ! :
- Média d’investigation breton bilingue
- Pourquoi on s’est créé : les journalistes sur les algues vertes ont subi des procès-bâil- lons et des menaces physiques, pétition pour la liberté d’informer sur l’agroalimentaire en Bretagne, les journalistes signataires se sont retrouvé·es et ont décidé de produire des enquêtes
- Question : dans quel écosystème on s’inscrit
- Nicolas Legendre (prix Albert Londres) victime d’une campagne de dénigrement de la part d’organes émanant des lobbys agroalimentaires bretons…
- Force de frappe importante des lobbys, 8 communicants pour 1 journaliste en France !→ problème de rapport de force
- Rapports de force qui pèse sur la démocratie, et impact la capacité à produire et diffuser des informations libres fiables vérifiées
- Splann ! = enquêtes au long cours sur des sujets structurants de la région (ex. en- quête sur les implants contraceptifs…)
- Toutes les enquêtes en binôme : le travail est en collectif
- Financement quasi que par les dons des citoyen·nes, pas de dons supérieurs à 10% budget global pour pas être redevables, pas de fonds des CT ni des groupes industriels
- Création correspond aussi à travailler autrement, à avoir d’autres espaces et plus de temps que dans les médias habituels
- 3 ans, et ça se développe : donc ça répond à un besoin
- Version en ligne et en papier
- Média local et indépendant
- Relations avec médias locaux non indé ? → les médias locaux ne répondent pas et ne veulent pas collaborer en presse écrite, même si les radios reprennent
Xavier de CORLAB :
- Coordination des radios locales et associatives de Bretagne
- 20 radios adhérentes
- Héritage des radios libres, militantes, pirates etc.
- Ils se revendiquent de cet historique radios libres et indépendantes, guerres picho- lines entre elles par le passé mais ça va mieux → mélange de radios
- Radios subventionnées par le Fonds de soutien aux activités radiophoniques, et par les CT (pour le reste dons etc. sur le territoire, max 20% recettes de publicité réglemen- tairement dans la réalité pas plus de 1%, affranchissement du matraquage publicitaire) : réelle indépendance ? Subvention c’est générateur d’asymétrie ?
- Enjeu = accès à la ressource, les fréquences sont des concessions accordées aux médias, il faut gagner les fréquences FM, certains se les accaparent et les autres médias candidats sont souvent bien plus forts que les radios associatives : c’est presque impos- sible maintenant ! Ce sont très souvent les médias privés qui remportent la fréquence
- Enjeu fondamental pour faire entendre d’autres voix, pour la maîtrise de son proces- sus de diffusion, c’est un enjeu de souveraineté de se débrouiller
- Accès à la ressource qui s’inscrit dans un contexte complexe = radio numérique DAB+ → difficile pour les radios associatives car cela impose de re-candidater à de nouvelles fréquences / mais entre 30 et 40 il faudrait une double diffusion sur FM + DAB+ en pa- rallèle pendant 10 ans / mais si radios associatives ne se positionnent pas et arrivent au dernier moment toutes les fréquences DAB+ seront déjà distribuées et ce sera mort pour les associatives, faut y aller pas le choix
- Incertitude technico industrielle de diffusion dans les territoires ruraux
► Retrouvez tous les compte-rendus POP MIND réalisés par la Férue dans ce document.


Ressources
- Consulter les propositions issues des États généraux de la presse indépendante (à ne pas confondre avec les Etats généraux de l’information lancés par le gouvernement) à l’initiative du Fonds pour la presse libre.
- A lire : Vincent Goulet, Le peuple n’est pas condamné à TF1, édition Textuel, 2015.
- CoopMedia, une coopérative citoyenne pour une presse libre et indépendante.
- Bientôt une Maison des Médias Libres à Paris ?
- Découvrir l’Observatoire français des atteintes à la liberté de la presse (Ofalp).

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